À l'heure où l'on parle de réduire "le mille-feuille administratif" français en fusionnant ou en supprimant communes, départements et régions, il nous a semblé intéressant de rappeler les origines de notre modeste portion du territoire national. Comme beaucoup de communes des environs, Plovan est une création révolutionnaire que l'on doit aux députés de la Constituante au tournant des années 1789 et 1790. Mais bien avant de devenir une commune, ce territoire fut une paroisse dont les origines nous plongent en plein Moyen Âge.
Avant d'aborder le cœur de notre propos, il n'est peut-être pas inutile de rappeler de quoi nous parlons : Plovan est aujourd'hui une commune d'un peu plus de 15 km2 bordée par la baie d'Audierne à l'ouest, par Pouldreuzic et Plogastel-Saint-Germain au nord, par Peumerit à l'est et par Tréogat au sud. Jusqu'au début du XIXe siècle, s'ajoutait à cette liste la commune de Lababan, rattachée à Pouldreuzic en 1827 (si elles n'étaient pas à proprement parler limitrophes, les communes de Lababan et de Plovan n'étaient séparées que par une mince bande de terre de quelques centaines de mètres de largeur reliant le bourg de Pouldreuzic à Penhors). Tous ces découpages reproduisent la structure ecclésiastique en vigueur dans le diocèse de Quimper jusqu'à la Révolution française. La carte des paroisses d'Ancien régime donne un bon aperçu de ce qui fut pendant plusieurs siècles l'environnement immédiat de Plovan.
Il faut certainement faire remonter cette organisation de l'espace au Moyen Âge central, c'est-à-dire aux XIe-XIIIe siècles. Pour Jean Gaudemet, les paroisses rurales d'alors se définissent comme le cadre de la vie chrétienne d'une société de fidèles qui se rassemble autour d'une église et d'un curé. L'étude de l'architecture des églises de Plovan, Pouldreuzic, Lababan, Tréogat ou Peumerit permet de dater leurs parties les plus anciennes des XIIIe-XIVe siècles, voire du XIIe siècle. La présence de ces bâtiments suppose pour lors l'existence de communautés organisées ayant besoin d'un lieu de culte et en même temps capables de financer de telles constructions.
Avant d'aborder le cœur de notre propos, il n'est peut-être pas inutile de rappeler de quoi nous parlons : Plovan est aujourd'hui une commune d'un peu plus de 15 km2 bordée par la baie d'Audierne à l'ouest, par Pouldreuzic et Plogastel-Saint-Germain au nord, par Peumerit à l'est et par Tréogat au sud. Jusqu'au début du XIXe siècle, s'ajoutait à cette liste la commune de Lababan, rattachée à Pouldreuzic en 1827 (si elles n'étaient pas à proprement parler limitrophes, les communes de Lababan et de Plovan n'étaient séparées que par une mince bande de terre de quelques centaines de mètres de largeur reliant le bourg de Pouldreuzic à Penhors). Tous ces découpages reproduisent la structure ecclésiastique en vigueur dans le diocèse de Quimper jusqu'à la Révolution française. La carte des paroisses d'Ancien régime donne un bon aperçu de ce qui fut pendant plusieurs siècles l'environnement immédiat de Plovan.
![]() |
Extrait de la carte de Cassini (1815) |
Qu'en est-il avant cette période ? L'analyse devient plus délicate. Faute d'éléments matériels, il faut s'appuyer sur la toponymie pour essayer de comprendre ce qui se joue au haut Moyen Âge (Ve-XIe siècles). Une des premières questions à se poser est bien sûr celle de la signification de ces noms de paroisses. L'historien Bernard Tanguy a expliqué dans son Dictionnaire des noms de communes, trèves et paroisses du Finistère (éd. Chasse-Marée – Ar Men, 1990), à partir de leurs anciennes graphies, le sens qu'il faudrait donner à ces toponymes. Nous reprenons dans le tableau ci-dessous le fruit de ses recherches en y apportant quelques compléments sur les chapelles :
Noms
actuels
|
Graphies
anciennes
|
Compositions
|
Saints
patrons actuels
|
Plovan
|
Ploezven
(1325), Ploezguan (vers 1330), Ploeozvan (1368, 1468, 1535)
|
-ploe
(paroisse primitive)
-le
second élément semble être un hagionyme, mais il reste
obscur : Ozvan ?
Boduuan ?
|
Gorgon,
martyr romain du IVe siècle
|
Chapelle
de Languidou
|
Languido
|
-lann
(établissement monastique)
-le
second élément est un hagionyme : Quidou,
Quideau. Il s'agirait du
saint breton Citaw
|
Aucun (édifice
en ruine)
|
Tréogat
|
Trefvozgat
(1348)
Treozgat
(1389)
Trevosgat
(1405)
|
-treb
(lieu habité et cultivé)
-le
second élément est un hagionyme : Bozcat
|
Boscat,
ou Budcat, saint breton méconnu
|
Chapelle
Saint-Mellon
|
Saint-Melon
(1815)
Saint-Velen
(1826)
|
-l'hagionyme
Mellon renvoie au premier évêque de Rouen, présumé
originaire de Cardiff au Pays de Galles
|
Aucun (édifice
disparu)
|
Peumerit
|
Pumurit
(946-952), Pomerit (1284)
|
-du
latin pomaretum,
pommeraie, toponyme gallo-romain
|
Annouarn,
saint breton inconnu
|
Pouldreuzic
|
Ploedrozic
(1247), Ploedrosic (vers 1330), Ploedrezic (1365)
|
-ploe
(paroisse primitive)
-le
second élément, associé au diminutif -ic,
reste obscur : tros
(tyrannique, mauvais) ? traus
(brave, obstiné) ?
|
Faron,
évêque de Meaux au VIIe siècle
Fiacre,
saint irlandais
|
Lababan
|
Lambabon
(vers 1330)
Lanbaban
(1368)
|
-lann
(établissement monastique)
-le
second élément est un hagionyme : Paban,
autre nom de saint Tugdual
|
Paban,
diminutif formé sur Pabu, autre nom de Tugdual, saint breton du Ve siècle
|
Chapelle
du Loch / Saint Guénolé
|
?
|
-loch, plan d'eau ? ou lok, lieu de culte sur la sépulture d'un saint ?
-Guénolé est un saint breton de la fin du Ve et du début du VIe siècle |
Aucun (édifice
disparu)
|
Plogastel
|
Plebs
Castelli in Kemenet (1223)
Ploegastel
(vers 1330)
|
-ploe
(paroisse primitive)
-castel,
château
|
Pierre,
apôtre
|
Chapelle
Saint-Germain
|
?
|
-Saint-Germain,
bourg trévial au sud-est de Plogastel
|
Germain,
évêque d'Auxerre dans la première moitié du Ve siècle
|
Plovan
apparaît, à l'image de Pouldreuzic, de Plogastel, de Plozévet ou
de Plonéour, comme une « paroisse primitive », en breton
ploue. Bernard Tanguy
explique que la ploue a
été « mise en place par les prêtres et moines bretons, à
qui elle est, dans un peu plus de 75 % des cas, redevable de son nom
[…] elle n'existe pas d'abord comme circonscription mais comme
communauté chrétienne se déterminant par rapport au pasteur autour
de qui elle s'est constituée et cristallisée […] On conçoit dès
lors que leurs éponymes soient souvent inconnus, voire inattestés
par ailleurs […] Aucun de ces fondateurs de ploue
ne bénéficie en tant que tel d'une Vie
circonstanciée […] Aussi n'est-il pas surprenant que le culte de
ces saints fondateurs ait connu une profonde récession : ils ne
sont plus honorés comme patrons que dans moins d'une ploue
sur cinq. Dans près de 60 % des cas, les bénéficiaires ont été
des saints romains » (op. cit.,
p. 20). On constate en effet, si on se reporte au tableau ci-dessus,
que dans les cas de Plovan comme de Pouldreuzic, on a perdu le sens du nom
initialement associé à ploue et on constate qu'un saint catholique romain y est désormais honoré comme patron.
Les
écrits de Jean-Christophe Cassard, autre éminent historien ayant
consacré plusieurs d'études aux saints bretons, dénotent un peu de
la présentation de Bernard Tanguy. Pour Cassard, « les
éponymes des plous sont parfois des religieux connus, mais le plus
souvent il s'agit de personnages par ailleurs inconnus, auxquels
seule la tradition locale accole le qualificatif de ''saint'' (au
vrai, s'agissait-il d'ailleurs de prêtres ou de chefs laïcs ?)
[…] L'influence du vocabulaire chrétien sur ces dénominations ne
paraît pas forcément prépondérante et elle demeure toujours
difficilement contrôlable, ce qui tendrait à faire du plou une
entité plus laïque et ''populaire'' que religieuse à ses débuts »
(J.-C. Cassard, La Bretagne des premiers siècles,
éd. Jean-Paul Gisserot, 1997, p. 59).
Afin d'arbitrer ces deux points de vue (celui de Tanguy qui s'inscrit dans la suite de René Largillière en faveur d'une origine religieuse des ploue et celui de Cassard qui s'inscrit plutôt dans la tradition d'Arthur de La Borderie en faveur de leur origine civile), il n'est pas inutile de citer longuement un troisième avis et non des moindres, celui de l'historien Bernard Merdrignac : « On invoque souvent [...] l'exemple des toponymes en plou- (du latin ecclésiastique, pleb[em] : "le peuple des fidèles") qui n'ont pas d'équivalent dans le reste du pays. En effet, dans plus des trois quarts des cas, ces noms de lieux, spécifiques à la Bretagne, font entrer dans leur composition un anthroponyme considéré comme celui du "saint" (l'ecclésiastique qui desservait la ploue) dont les ouailles auraient ainsi tenu à honorer la mémoire [...] Ces vastes paroisses baptismales primitives, aux limites géographiques bien déterminées, se sont sans doute constituées du Ve siècle à la fin du VIIe siècle [...] et on connaît surtout leur fonctionnement par un document exceptionnel du IXe siècle, le cartulaire de Redon. Il convient donc de se méfier des risques d'anachronismes : la ploue de l'époque carolingienne n'a pas forcément beaucoup de points communs avec celle de l'Antiquité tardive ! [...] comme l'a souligné Gildas Bernier, une comparaison s'impose avec les pievi (dont le nom dérive aussi de pleb[es], ces paroisses baptismales qui se rencontrent en Corse et en Italie du Nord, dans des zones rurales marquées par la faiblesse de l'urbanisation et hors de portée de l'autorité épiscopale. [...] Confronté à la résurgence du paganisme consécutive à l'établissement de communautés barbares, le pouvoir impérial aurait concédé à celles-ci une certaine autonomie tout en renforçant leur encadrement par le clergé local. Ce parallèle permet sans doute de dépasser le faux débat sur l'origine civile ou religieuse des ploue bretonnes [...] En clair, au milieu du Ve siècle, alors que le pouvoir établi n'était pas en mesure de se priver de l'appoint des troupes bretonnes [...] la Loi des Romains entendrait reprendre celles-ci en main par l'intermédiaire de leurs propres chefs, mais sous le contrôle renforcé du clergé du cru. Mais les ploue n'ont pas tardé à prendre la fonction religieuse qui a été la leur pendant des siècles » (P.-R. Giot, P. Guigon et B. Merdrignac, Les premiers Bretons d'Armorique, PUR, 2003, p. 88-89). En d'autres termes, nos ploue pourraient être à l'origine non pas des communautés chrétiennes mais des groupes claniques soumis à l'autorité de chefs qui leur donneraient leurs noms et dont le caractère religieux n'apparaîtrait qu'a posteriori.
Afin d'arbitrer ces deux points de vue (celui de Tanguy qui s'inscrit dans la suite de René Largillière en faveur d'une origine religieuse des ploue et celui de Cassard qui s'inscrit plutôt dans la tradition d'Arthur de La Borderie en faveur de leur origine civile), il n'est pas inutile de citer longuement un troisième avis et non des moindres, celui de l'historien Bernard Merdrignac : « On invoque souvent [...] l'exemple des toponymes en plou- (du latin ecclésiastique, pleb[em] : "le peuple des fidèles") qui n'ont pas d'équivalent dans le reste du pays. En effet, dans plus des trois quarts des cas, ces noms de lieux, spécifiques à la Bretagne, font entrer dans leur composition un anthroponyme considéré comme celui du "saint" (l'ecclésiastique qui desservait la ploue) dont les ouailles auraient ainsi tenu à honorer la mémoire [...] Ces vastes paroisses baptismales primitives, aux limites géographiques bien déterminées, se sont sans doute constituées du Ve siècle à la fin du VIIe siècle [...] et on connaît surtout leur fonctionnement par un document exceptionnel du IXe siècle, le cartulaire de Redon. Il convient donc de se méfier des risques d'anachronismes : la ploue de l'époque carolingienne n'a pas forcément beaucoup de points communs avec celle de l'Antiquité tardive ! [...] comme l'a souligné Gildas Bernier, une comparaison s'impose avec les pievi (dont le nom dérive aussi de pleb[es], ces paroisses baptismales qui se rencontrent en Corse et en Italie du Nord, dans des zones rurales marquées par la faiblesse de l'urbanisation et hors de portée de l'autorité épiscopale. [...] Confronté à la résurgence du paganisme consécutive à l'établissement de communautés barbares, le pouvoir impérial aurait concédé à celles-ci une certaine autonomie tout en renforçant leur encadrement par le clergé local. Ce parallèle permet sans doute de dépasser le faux débat sur l'origine civile ou religieuse des ploue bretonnes [...] En clair, au milieu du Ve siècle, alors que le pouvoir établi n'était pas en mesure de se priver de l'appoint des troupes bretonnes [...] la Loi des Romains entendrait reprendre celles-ci en main par l'intermédiaire de leurs propres chefs, mais sous le contrôle renforcé du clergé du cru. Mais les ploue n'ont pas tardé à prendre la fonction religieuse qui a été la leur pendant des siècles » (P.-R. Giot, P. Guigon et B. Merdrignac, Les premiers Bretons d'Armorique, PUR, 2003, p. 88-89). En d'autres termes, nos ploue pourraient être à l'origine non pas des communautés chrétiennes mais des groupes claniques soumis à l'autorité de chefs qui leur donneraient leurs noms et dont le caractère religieux n'apparaîtrait qu'a posteriori.
D'autres
toponymes nous renvoient quant à eux de façon certaine aux racines
du christianisme à Plovan. Bernard Tanguy, évoquant à présent les lann,
explique que « le monachisme a marqué […] d'une empreinte
profonde les chrétientés celtiques. Entre le Ve et le
VIIIe siècle, nombre de moines et d'ermites pratiquèrent
la peregrinatio pro Deo :
quittant leurs monastères insulaires, bretons et, dans une moindre
mesure, irlandais, beaucoup vinrent s'établir dans les îles ou les
solitudes agrestes et sylvestres de la péninsule armoricaine, y
multipliant les ermitages et les monastères, mais aussi les lieux de
cultes » (B. Tanguy, op. cit.,
p. 22). Chez nous et aux alentours, on en trouve le souvenir à
travers les noms de Languidou, Lababan, Lanvern ou Landudec.
D'où
vient que ces personnages aient été ou soient encore considérés comme
des saints ? Bernard Merdrignac explique que « dans
l’Église primitive, tous les baptisés étaient considérés comme
''saints'' parce qu'ils avaient été consacrés par le Christ. Au Ve
siècle, pour les auteurs chrétiens […] les ''saints'' désignent
généralement, à titre honorifique, les moines ou le clergé, à
moins qu'ils n'aient gravement démérité » (B. Merdrignac,
Les Vies de saints bretons durant le haut Moyen Âge,
éd. Ouest-France, 1993, p. 9-10). Il ne faut donc pas être gêné
par l'usage de ce terme qui, une fois replacé dans son contexte
d'origine, apparaît tout à fait logique.
À
partir de ces éléments, on peut se risquer à établir le scénario
suivant : entre le Ve et le VIIe siècle
de notre ère, une communauté (ploue) originaire
de Bretagne insulaire s'installe à l'emplacement actuel des territoires de Plovan, Tréogat et Peumerit. Elle est formée autour d'un personnage dont le nom
approximatif serait Ozvan ou Boduuan. Il s'agirait du
chef du groupe et/ou de son guide spirituel. Après sa mort, la
communauté continue à prospérer et s'organise sur un « grand Plovan » dont les limites se précisent pour devenir une paroisse, limitrophe au nord de Pouldreuzic (qui intègre alors Lababan) et Plogastel (dont dépend Landudec) et au sud de la grande paroisse de Plonéour (qui englobe Tréguennec, Lanvern, une partie de Saint-Jean-Trolimon et peut-être Tréméoc). Elle se distingue des autres communautés voisines par
l'utilisation d'un lieu de culte qui lui est propre, où sont
délivrés les sacrements, sans doute à l'emplacement de l'actuelle
église de Plovan. Au
cours de ces mêmes siècles, sans qu'on connaisse leur ordre
d'arrivée, d'autres personnages marquants s'établissent sur ce territoire :
un moine-ermite appelé Quidou, à l'emplacement de l'actuelle
chapelle de Languidou (« ermitage de Quidou »), et
Boscat, au niveau du bourg
de Tréogat (« village de Boscat »). Peut-être faut-il y
ajouter Kodelig, un
autre ermite à l'historicité discutable, dont le souvenir est aujourd'hui associé à un site
mégalithique.
On voit mal Mellon,
premier évêque de Rouen qui serait pourtant d'origine galloise,
patron d'une chapelle disparue à Tréogat (elle se situait entre les
lieux-dits Lesvéguen et Rohou), entrer dans ce schéma. Peut-être a-t-il remplacé un autre religieux oublié ?
Quant à Annouarn,
personnage auquel est dédiée l'église de Peumerit, son
identification reste incertaine (peut-être une altération
d'Alouarn, hagionyme signalé à Guengat et au Pays de Galles par
Bernard Tanguy).
Comme on l'a expliqué, ces personnages sont qualifiés et parfois honorés comme des « saints » par la tradition locale par confusion entre le sens premier du mot au temps de l'émigration bretonne (religieux, ecclésiastique) avec le sens nouveau que lui a donné par la suite l’Église (quelqu'un qui a mené une vie exemplaire, a pratiqué les vertus évangéliques et a été canonisé). Certains de ces personnages font toujours l'objet d'un culte (Boscat à Tréogat) mais la plupart ont été oublié ou assimilé à des saints catholiques romains (Guy pour Quidou, peut-être Gorgon pour Osmane, sainte irlandaise dont le nom s'approche d'Ozvan).
![]() |
Chapelle Saint-Vélen ou Saint-Mellon (extrait de la section A2 de l'ancien cadastre de Tréogat) |
Comme on l'a expliqué, ces personnages sont qualifiés et parfois honorés comme des « saints » par la tradition locale par confusion entre le sens premier du mot au temps de l'émigration bretonne (religieux, ecclésiastique) avec le sens nouveau que lui a donné par la suite l’Église (quelqu'un qui a mené une vie exemplaire, a pratiqué les vertus évangéliques et a été canonisé). Certains de ces personnages font toujours l'objet d'un culte (Boscat à Tréogat) mais la plupart ont été oublié ou assimilé à des saints catholiques romains (Guy pour Quidou, peut-être Gorgon pour Osmane, sainte irlandaise dont le nom s'approche d'Ozvan).
À
l'issue de cette période de fondation, la « paroisse
primitive » est démembrée : les quartiers de Tréogat et
de Peumerit deviennent sans doute des paroisses autonomes dès les
« siècles post-carolingiens », c'est-à-dire aux Xe-XIe
siècles. Jean-Christophe Cassard explique ce mouvement par « la
croissance de la population et sa prise de conscience des distances
exagérées la séparant du centre cultuel » (op.
cit., p. 58). Languidou
ne connaît pas la même évolution et reste attaché à Plovan.
Il faut enfin souligner que l'environnement de Plovan est
marqué par l'influence de saints beaucoup plus illustres, à
commencer par saint Tugdual, reconnu à tort ou à raison comme
premier évêque de Tréguier et comme l'un des 7 saints fondateurs
de la Bretagne. On trouve trace de son culte à Loctudy, siège d'un
monastère dont il serait à l'origine, à l'Île-Tudy (trève de
Combrit), à Landudec et à Lababan. Saint Brieuc était honoré à
Plonivel tandis que saint Budoc l'était à Beuzec-Cap-Caval.
L'existence d'un prieuré de l'abbaye de Landévennec à Lanvern et d'une chapelle Saint-Guénolé à Lababan (à l'est du lieu-dit Lesvily) témoigne quant à elle de l'influence des moines sinon du culte de saint Guénolé à proximité de Plovan. On peut se surprendre à imaginer que les pasteurs des premiers Plovanais agissaient dans l'entourage ou dans la filiation spirituelle de ces grands saints bretons.
![]() |
Chapelle du Loc ou Saint-Guénolé (extrait de la section B1 de l'ancien cadastre de Pouldreuzic) |
*
* *
Avant de conclure, cédons une dernière fois la parole à Bernard
Tanguy dont les travaux incontournables nous ont tant aidé à préparer ce texte :
« Des départements bretons, le Finistère est, sans conteste,
celui où l'empreinte religieuse bretonne ancienne est la plus forte.
Elle témoigne, à quelque 1400 ans de distance, de l’œuvre
accomplie par ces prêtres et moines venus d'outre-Manche que la
ferveur populaire a reconnu comme « saints » et qui, à
travers les générations, ont continué nombreux d'être vénérés
comme tels. Souvent obscurs, leur souvenir s'est parfois effacé ou
réduit à un simple toponyme » (op. cit., p. 30). Si on pouvait retracer l'histoire du territoire de Plovan sur le temps long comme on peut le faire parfois en archéologie, sous la fine couche communale (1790 à nos jours) on trouverait une couche bien plus épaisse correspondant à la paroisse de la seconde partie du Moyen Âge à la fin de l'Ancien régime (XIIe-XVIIIe siècles), couvrant elle-même une strate remontant à la paroisse bretonne primitive (VIe-XIe siècles), sous laquelle on verrait enfin apparaître les traces d'une communauté d'immigrés bretons originaire d'outre-Manche. Et si on creusait encore, avant que Plovan ne devienne Plovan, que trouverait-on ? Qui vivait là à la fin de l'Antiquité et comment appelait-on ce territoire ? Mystère ! L'analogie s'arrête malheureusement là, l'état actuel de nos connaissances ne permettant pas d'en savoir davantage.
Mathieu GLAZ
Bonjour,par hasard je suis arrivé sur votre page qui m'a beaucoup intéressé (je suis bigouden). Mais je reste un peu sur ma faim. N'existe-t'il pas de vestiges des cultures et civilisations antérieures gallo-romaine, celte, protohistorique, sur le territoire de Plovan? Vous faites en tout cas un beau travail très agréable à lire et enrichissant. Bien à vous, cordialement.
RépondreSupprimerAndré Méhu
Bonjour M. Méhu. Merci pour votre commentaire. Il existe bien des vestiges préhistoriques, protohistoriques et antiques. Ils feront l’objet de futurs articles, au gré de nos humeurs !
RépondreSupprimerCordialement,
M. Glaz